Au départ de CEILLAC, pour regagner la vallée de l'Ubaye, je veux éviter le col Girardin, fait et refait.... j'ai hésité entre le col sud du Cristillian et le col de Clausis, de difficultés identiques, mais le premier plus éloigné est celui que j'ai choisi.

Il fait très beau ce matin.

A la bifurcation du sentier allant au col des Estronques, je continue tout droit, dans la vallée du Cristillian, et par quelques petits hameaux disséminés, pour la plupart inhabités, j'arrive à l'étable des génisses, qui sert surtout de bergerie. Sur la droite, le sentier monte au col de Clausis et rejoint l'Ubaye.

En remontant le Cristillian, je rencontre des randonneurs allant à la Tête de la Cula à 3121 mètres. Près d'une ruine appelée « ancienne cabane des douanes », le sentier part à droite dans une pente caillouteuse assez raide. 

Des névés subsistent encore.

En arrivant au col, le ciel est chargé de nuages en face sur l'Italie, alors que côté Queyras, tout est dégagé jusqu'à l'Oisans et aux Ecrins. Je rencontre deux randonneurs qui redescendent du sommet de la Roche Noire à 3134 mètres. Le col du Cristillian est une large ouverture à 2957 mètres d'altitude, et la descente tout d'abord bien visible, en pente douce, devient plus abrupte ensuite. Les traces ont aussi disparues : est-ce que je les ai perdues de vue ? Il faut repérer d'en haut le passage le moins raide, pour éviter de me retrouver au dessus d'une barre rocheuse ! La pente d'herbe n'est pas pour autant rassurante, car humide et glissante.

              Descente du col du Cristillian

Je me sens mieux une fois arrivé à proximité des ruines d'une bergerie ; le troupeau de moutons bêlant s'agite dans tous les sens, en me voyant pénétrer sur leur terrain. Je rejoins le sentier venant d'Italie par le col de Longet. Il faut se laisser aller maintenant, dans la vallée de l'Ubaye, à travers bois de mélèzes, pâturages, pierriers, et le torrent à traverser plusieurs fois.

J'arrive à Maljasset à trois heures de l'après midi.

Hameau de Maurin

Il joint une carte de Maljasset, sur laquelle il écrit :

« Merci de soigner cet homme qui traverse l'Alpe seul et à pied ! »

Le ciel est nuageux, mais le soleil arrive à percer. La montée dans le vallon de Mary, est régulière. Je ne connais pas cet endroit ; j'ai souvent voulu passer par ici, mais les conditions météo m'en ont toujours empêché. Cette fois, je suis la GTA Italienne, désireux de changer du GR^® 5 habituel qui longe la route de Maljasset à Fouillouse.

 

Je traverse de vastes prairies, et près des ruines d'une bergerie, je m'engage sur le chemin grimpant en zig zag aux lacs supérieurs de Marinet. L'aiguille de Chambeyron est enveloppée de brume. De l'autre côté du sentier, le grand lac de Marinet, dans lequel se reflète la face verticale de l'aiguille Pierre André.

 

              Lac du Marinet

Il faut remonter un petit vallon pierreux pour arriver au col de Marinet, frontière italienne. En face la brume envahie l'horizon. En suivant l'arête frontière pendant une quinzaine de minutes, le sentier rejoint en contrebas le col de Mary. Il faut continuer dans le brouillard côté italien.

A peine franchi le col frontière, on n'y voit plus rien ! heureusement tout est bien balisé. Je croise un gars qui monte en courant au col, et lui demande si c'est comme çà tout le long !

Il me répond sans s'arrêter : « partout ».

 

C'est gai ! A certains endroits les sentiers sont indiqués par des flèches et des numéros ! T13, T14, çà va où ? Ce serait plus simple d'écrire clairement le lieu. Je sors ma carte italienne pour me repérer : il faut continuer sur le large chemin balisé orange. Je ne suis même pas sûr d'être sur la bonne voie, mais ce chemin mène forcément quelque part ! Il tombe une espèce de bruine, et il commence à faire froid.

 

A force de descendre, j'arrive près d'un parking, j'entrevois des voitures, des caravanes, j'entends des voix !

C'est un camping. Des jeunes italiens s'occupent comme ils peuvent avec ce temps ! je m'informe auprès de l'un d'entre eux, parlant français : je suis sur la bonne voie. Campo Base est à dix minutes. Ouf ! je suis heureux d'y arriver, pour prendre une douche chaude, et manger des spaghettis sauce tomate, et salade.

 

Je trouve là, deux hollandais avec trois enfants d'une douzaine d'années. Leurs femmes sont restées au camping de Guillestre. L'un des deux hommes parlent assez bien le français ; leur voiture est garée à Maljasset ; ce matin. Ils m'ont aperçu lorsque je me suis écarté du sentier pour passer aux lacs de Marinet. Normalement, ils veulent faire le tour du Chambeyron, en remontant le col de Stroppia, et faire étape à Fouillouse demain.

 

Le ciel est complètement bouché, Chiaperra est un village sans vie, avec quelques maisons, et l'église. A voir les hautes herbes, et toute cette végétation qui pousse sans aucune retenue, on se doute bien que le temps doit être souvent comme aujourd'hui.

 

Le soir au dîner, nous mangeons sur une grande table, avec les patrons du gîte. 

Personne ne tarde à se coucher, espérant que demain sera meilleur !

Le temps est le même qu’hier ! Toutefois la couche de brume paraît moins épaisse. Les hollandais ont décidé de retourner à Maljasset par le même chemin, et sont convaincus qu’il fait meilleur côté français.

 

Je quitte donc Campo Base par un bout de route goudronnée, et peu après, un sentier balisé passe par la forêt, et les près. En face, le village de Saretto, au bord d’un petit lac.
J’aurai aimé aller au col d’Enchiausa, plus haut et plus alpin que le col Ciarbonet, mais les conditions météo m’y font renoncer. Déjà même sous les arbres, en montant, la brume est omniprésente. Les herbes envahissent le sentier, et parfois la trace disparaît sous la végétation. Je m’enfonce dans la boue jusqu’aux mollets. Mes chaussures sont deux fois plus lourdes. Arrivé au col Ciarbonet, il faut redescendre par une large piste en lacets que je coupe en plusieurs endroits. Le soleil fait de timides apparitions au travers des nuages, c’est quand même mieux qu’au départ de Chiappera. Dans la vallée, la petite route mène à Pratorotondo, tout proche et Aceglio, en allant vers le val Maira.

 

La montée au col suivant et lente, bien tracée, mais lente. Il est difficile de se repérer avec une carte italienne : cela manque de précision avec l’équidistance des courbes de niveau de 50 mètres. On croit toujours être près du but alors qu’on en est loin !

 

Enfin j’arrive au Passo della Gardetta, et retrouve le brouillard. Par moments, j’aperçois en contrebas le refuge Gardetta, où j’aurais fait étape en cas de problème. Il est à peine une heure et demie, je décide de continuer toujours par cette GTA italienne bien balisée en orange. Le sentier tout empierré remonte au Passo di Rocca Bianca, petit passage étroit qui débouche sur un versant herbeux.
De ce côté il y a moins de brouillard, mais le vent est plus fort. La descente est longue, monotone, pas une âme ; deux ou trois chalets en ruines élèvent leurs murailles livides à tous vents, et l’on entend une sorte de sifflement à travers les pierres disjointes.

 

J’atteins la route qui mène à Argentera, et au col de Larche, d'où l'on peut regagner la France et la vallée de l'Ubaye, si on veut s'arrêter là.

 

Il faut prendre par l’autre côté, en passant sous une immense paroi verticale dénommée :
« Le Barricate », et après quelques centaines de mètres j’entre dans Pontebernardo, petit village, dans un creux de verdure et de grisaille. J’arrive au gîte d’étape « Posto tappa ». Les patrons parlent bien français, et je n’ai jamais eu de problème pour payer en Francs, chaque fois en Italie. J’ai quand même le sentiment de m’être fait arnaquer car chacun converti les francs en lires à sa manière, et ici ce n’était pas à leur désavantage ! En plus, j’ai été mieux servi en d’autres gîtes.

 

Je trouve là, un allemand qui randonne en Italie avec son chien : pas facile de se faire accepter en refuge avec sa bête : il ne peut pas aller n’importe où.

Dans la soirée, il arrive une bande de jeunes italiens armés de guitares ; d’harmonicas, de tambourins. Ils envahissent le dortoir à côté, et par bonheur restent relativement calmes, au delà de l’extinction des feux.

 

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Lundi 22 Juillet 1996

 

La montée dans le brouillard, est une calamité : tout d’abord au départ de Pontebernardo, dans les buissons, la visibilité est nulle, je ne vois même pas où je marche ! Arrivé au petit hameau de Murenz, je perds de vue les balisages. Une petite vieille qui ne parle pas français arrive à comprendre que je cherche la direction du colle del Ferro. Je continue sur ce sentier, plus je monte, plus la brume est épaisse.

 

Au sortir d’un petit bois, je me retrouve au milieu de plusieurs sentiers partant dans des directions différentes, et les balisages font défaut. Il faut essayer au « pifomètre » d’en suivre un ; par chance je m’aperçois que c’est le bon : les balisages réapparaissent, et Euréka ! le soleil transperce les nuages, ce qui laisse entrevoir le chemin à parcourir.

 

Je descends dans une combe, et remonte de l’autre côté. Le ciel se dégage de plus en plus. Je pose mon sac pour remplir ma gourde dans un torrent. J’ai quitté la GTA, pour suivre un sentier.
En face, le col se détache très bien. Le vallone di Forneris est verdoyant et fleuri. Après un dernier raidillon, j’arrive au colle del Ferro : frontière avec la France. La vue est dégagée. L’épais brouillard du matin s’est volatilisé. Je vois le Mont Viso, et mesure le chemin parcouru depuis mon départ de Ceillac.

Le lendemain matin, il suffit de suivre un chemin en sous bois, pour descendre au petit hameau de Vens, et regagner la route qui mène à ST ETIENNE DE TINEE.

Suite au Mercantour - Argentera